Point de vue

Le 7 juillet, le grand bond en arrière ne doit pas avoir lieu

L’arrivée au pouvoir du RN marquerait un grand bond en arrière pour l’égalité à tous niveaux. Il est possible de l’éviter, à condition de se rassembler. Le point de vue de Louis Maurin et Éric Peigné, directeur et président de l’Observatoire des inégalités.

Publié le 27 juin 2024

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La France peut basculer dans un régime autoritaire au soir du 7 juillet prochain, à l’issue du second tour des élections législatives. S’ensuivraient alors des politiques d’une violence jamais connue dans notre pays depuis des décennies, en particulier envers les étrangers. « La montée des inégalités constitue une menace pour la démocratie, en offrant notamment un terreau à la progression de l’extrême droite », écrivions-nous en 2003 à la fondation de l’Observatoire des inégalités. Indépendants de tout parti politique, nous établissons une frontière nette entre l’extrême droite et l’ensemble des autres organisations.

Pour éviter l’arrivée au pouvoir du RN, on peut rappeler comment ce parti, soutenu par les médias du milliardaire Vincent Bolloré, bafoue l’égalité et se moque du peuple. Ce parti défend les riches, les classes dominantes. A l’Assemblée, concrètement, ses députés soutiennent les mesures les plus aux plus favorisésVoir [1]. Les quelques mesures d’ordre social que comprend le programme ne font pas illusion. S’il gouverne, le RN organisera le tri des élèves de milieu populaire dès la sixième (autant dire, le retour du certificat d’études en CM2) vers les filières dévalorisées qui les renvoient à leurs origines sociales. Il va dépenser à tout-va pour les plus aisés à coups de réductions d’impôts, en supprimant, par exemple, l’impôt sur le revenu pour les jeunes les plus riches, ou en favorisant la transmission du patrimoine des plus fortunés. Au-delà, une majorité de députés d’extrême droite ouvrirait une période de grand bond en arrière, remettant en cause l’égalité entre les femmes et les hommes, les droits des personnes LGBT et la liberté d’expression.

La seule constante de l’extrême droite est sa haine absolue des 6 % de musulmans que compte notre pays, comme dans d’autres périodes de notre histoire vis-à-vis des Italiens, des Polonais ou des Juifs. Nous devons rappeler que voter pour le Rassemblement national constitue un acte xénophobe. Si ce parti arrive au gouvernement, ceux qui auront mis leur bulletin dans l’urne pour ses candidats porteront la responsabilité d’avoir mis à la rue des milliers de familles étrangères avec leurs enfants et de les priver de soins.

Nous devons aussi rappeler que ce vote constitue une insulte à l’histoire de la France et aux millions de nos concitoyens qui, nés à l’étranger, ont contribué à faire ce qu’elle est. Comme l’a justement dit Kilian Mbappé, dont le père a immigré du Cameroun : « On a des valeurs de mixité, tolérance et de respect. Chaque voix compte et ce n’est pas à négliger. J’espère qu’on fera un bon choix et qu’on sera encore fiers de porter le maillot de l’équipe de France le 7 juillet ». Tous les Français devraient souhaiter demeurer, comme lui, fiers de vivre dans un pays démocratique qui aborde fièrement le mot « fraternité » dans sa devise.

En France, 2 % de la population se dit « plutôt raciste » et 17 % « un peu raciste », selon la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH, données 2023). Sur longue période, cette part ne cesse de baisser. Le rejet des étrangers n’est qu’un des facteurs qui contribuent au vote RN. L’exaspération et la volonté de renverser la table sont telles qu’elles font passer au second rang des valeurs comme la solidarité et la tolérance chez des électeurs qui n’ont rien de « fachos ».

On peut comprendre notamment le ras-le-bol des catégories populaires, écartées du progrès : du partage de la richesse, mais aussi des bonnes filières dans une école qui favorise trop les diplômés. Nous ne cessons de le rappeler. À force d’insulter la France populaire qui n’aurait selon lui « qu’à traverser la rue » pour s’en sortir, le président de la République cristallise de son côté un rejet sans précédent. En même temps, ces catégories sont trop souvent méprisées par la gauche. La radicalité de certains militants constitue un repoussoir pour celles et ceux qui souhaitent pouvoir profiter, comme les autres, du confort de la société moderne et qu’on arrête de leur donner des leçons.

Tout va se jouer dimanche 7 juillet. Notre responsabilité est de faire réfléchir toutes celles et ceux qui veulent s’abstenir. Au vu des dérives de la vie politique française et de la confusion actuelle, on peut les comprendre. Emmanuel Macron restera dans l’histoire comme celui qui n’a cessé de nourrir l’extrême droite. À ce titre, la loi immigration votée en janvier dernier consacre un naufrage politique total. Il n’en demeure pas moins qu’à force de répéter, à droite, que l’extrême gauche représente le même danger que l’extrême droite et, à gauche, que la droite est aussi antidémocratique que son extrême, on nourrit une confusion qui légitime un parti xénophobe et autoritaire, dont le programme est d’une autre nature que celui du reste des partis : il constitue un danger pour la démocratie toute entière. Assimiler les partis républicains (de Les Républicains à LFI) à l’extrême droite est un mensonge qu’on se fait à soi-même, quand on ne risque rien à titre individuel, pour se donner bonne conscience de ne pas aller voter. Chaque voix en moins pour la démocratie est une voix en plus pour le RN. Tous ceux qui refuseraient de barrer la route à l’extrême droite seraient, eux aussi, responsables des politiques mises en place par un pouvoir gouverné par la détestation des faibles. Qu’ils y songent.

Toutes les enquêtes montrent que les Français demeurent profondément attachés à la solidarité, à l’égalité et à la démocratie. Face à la violence de l’extrême droite, tous les électeurs qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité doivent se rassembler au second tour, au-delà des étiquettes politiques, pour donner à la France une opportunité inédite de s’attaquer aux profondes fractures qui séparent la société française. À cette condition, le grand bond en arrière n’aura pas lieu.

Louis Maurin et Éric Peigné, directeur et président de l’Observatoire des inégalités

Photo / Crédit : FG trade


[1« Le RN à l’Assemblée, deux ans de défense des propriétaires, des ménages aisés et des grandes entreprises », Le Monde, 28 juin 2024.

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Date de première rédaction le 27 juin 2024.
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