Questions clés

Inégalités entre jeunes et vieux : une question d’âge ou de génération ?

On peut mesurer les inégalités entre jeunes et personnes âgées. Pour bien comprendre les écarts, il faut prendre garde à ne pas confondre l’effet de l’âge et celui de la génération. Il faut aussi s’interroger sur les inégalités qui existent à l’intérieur de chaque tranche d’âge.

Publié le 3 mai 2024

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Âges

En matière d’inégalités, on mélange assez souvent la question de l’âge et celle des générations qui sont deux notions différentes. L’âge situe une personne à un moment donné de sa vie, par rapport au nombre d’années qu’elle a vécu. La génération (on emploie parfois le mot « cohorte ») situe une personne par rapport à une année de naissance. Dans le sens le plus courant, une génération regroupe plusieurs années, la « génération 68 » (en fait celle qui avait environ vingt ans à cette époque), par exemple. On change d’âge chaque année, mais on ne change jamais de génération : l’âge est une photographie à un moment donné, la génération raconte une histoire, c’est un film de la vie d’une personne.

Distinguer âge et génération est important pour comprendre certains phénomènes sociaux dont les inégalités. Prenons l’exemple d’Internet. Au début, dans les années 1990 et surtout 2000, les plus jeunes s’y sont mis les premiers. On a alors un effet d’âge : les jeunes utilisent beaucoup cet outil numérique, les vieux bien moins. Au fil du temps, les écarts se sont réduits : les plus âgés se connectent de plus en plus (effet d’âge) mais on a aussi aujourd’hui un effet de génération car, en vieillissant, les jeunes d’hier sont restés le plus souvent connectés (jusqu’à un certain âge...). Les deux effets se superposent.

Ces concepts tendent deux pièges classiques. Le premier est de considérer que l’âge et les notions de jeunesse et de vieillesse sont des données fixes dans le temps. Les sexagénaires actuels ont des modes de vie et une place dans la société différents des sexagénaires des années 1950. Le « vieillissement » mis en avant en observant la part des plus de 60 ans sur plusieurs décennies doit être nuancé : les sexagénaires d’aujourd’hui n’ont pas grand-chose à voir avec ceux d’hier. Il en est de même pour les jeunes qui, avec l’allongement des études, sont autonomes d’un point de vue économique de plus en plus tard. Le taux d’activité des jeunes de 16 ans n’a rien à voir avec ce qu’il était il y a cinquante ans. Les frontières de ce qu’on appelle un jeune ou un vieux changent au fil du temps. L’âge est donc une donnée qu’il faut replacer dans un contexte historique et qui n’est finalement pas aussi immuable qu’on le dit souvent.

Le second piège serait de considérer une génération ou un groupe d’âge comme un bloc unifié. À l’intérieur d’une génération donnée, les moyennes masquent souvent d’énormes différences. Les générations nées après 1960 ont connu la montée du chômage, mais avec des conséquences très inégales suivant les milieux sociaux. Il en est de même pour l’âge : au sein des jeunes de 20 ans aujourd’hui, les inégalités sont massives en fonction de leur parcours scolaire. Certains travaillent déjà depuis plusieurs années, d’autres ont encore quelques années d’études devant eux.


Ce texte est extrait de Comprendre les inégalités, Louis Maurin, éd. Observatoire des inégalités, 2018.

Pour aller plus loin : notre rubrique sur les inégalités entre âges ou générations réunit nos données et analyses sur la question.

Photo / CC Georg Arthur Pflueger


Comprendre les inégalités, Louis Maurin, éd. Observatoire des inégalités, juin 2018.
128 pages.
ISBN 978-2-9553059-4-2
9 € hors frais d’envoi

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Date de première rédaction le 3 mai 2024.
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